La pénurie de comptables ne date pas d’hier. Peut-on encore trouver une solution pour remédier à cette situation ?
La constatation est sans appel : les tâches quotidiennes des comptables ont fondamentalement changé, une évolution qui va souvent de pair avec la mise en œuvre de nouvelles technologies. La question se pose alors du côté de l’enseignement : comment nous pouvons mieux préparer les étudiants à leur futur métier et ainsi répondre aux besoins du marché ?
La numérisation de la fonction
L’élément déclencheur dans cette histoire est le bouleversement que connait actuellement le secteur. À la source de cette transformation : la numérisation et l’automatisation. En effet, le gouvernement fédéral impose à toutes les entreprises l’implémentation de la facturation numérique à partir du 1er janvier 2026. Une obligation qui devrait soulager une bonne partie de la charge de travail des cabinets comptables et de leurs clients. Une opportunité pour certains, un défi de taille pour d’autres...
Une implémentation simple, mais seulement en apparence. Il est vrai que les logiciels comptables, les outils et l’IA peuvent prendre en charge 80 % des tâches routinières d’un comptable à court terme, mais les 20 % restants sont plus complexes et nécessitent plus d’expertise. C’est sur ce point que la formation et les cabinets comptables vont devoir concentrer leurs efforts. En effet, la profession va connaitre un changement radicalement dans les années à venir. Le métier de comptable se rapprochera plutôt de celui d’un consultant qui excelle dans l’innovation, la créativité et la résolution de problèmes ; qui possède les compétences sociales et analytiques nécessaires ; et qui est capable de manipuler les nouvelles technologies et les nouveaux outils.
Les défis de l’implémentation
Sur le papier, l’idée est séduisante. Toutefois, la partie numérique (à hauteur de 80 % environ) exige des efforts et des investissements en main d’œuvre, en temps et en argent de la part des entreprises et de leurs clients. Pour assurer l’efficacité du processus de numérisation et d’automatisation de la profession de comptable, tous les maillons doivent être parfaitement alignés afin de leur permettre de confier les tâches quotidiennes à un ordinateur.
C’est ici que nous nous trouvons face à un premier mur : la transformation numérique n’évolue pas partout au même rythme. Pour de nombreuses PME belges, cet investissement n’est généralement pas (encore) possible. Les petites entreprises, aussi bien les comptables que les clients, sont encore aux prémices du projet. Elles doivent à la fois tenir compte du coût des nouveaux systèmes et processus, mais aussi du temps et des ressources nécessaires à leur mise en œuvre (et celle de leurs clients). Bien que conscients des gains d’efficacité à long terme, ils ne sont pas toujours prêts à accepter l’impact à court terme.
Les nouvelles compétences recherchées
Un deuxième mur se profile ensuite à l’horizon. Pour mener à bien cette implémentation, les cabinets comptables recherchent des compétences spécifiques, qu’ils ne retrouvent pas (ou très peu) chez les candidats. D’une part, la numérisation croissante de l’éventail des tâches accentue l’importance des compétences informatiques et de l’analyse de données, et les capacités sociales et la réflexion stratégique, d’autre part. Les 20 % évoqués plus tôt.
En effet, les comptables ne doivent pas uniquement être compétents sur le plan technique, mais aussi être capables de communiquer et de collaborer efficacement. Des compétences sociales et stratégiques dont la jeune génération de candidats ne dispose pas toujours. On remarque ici un écart important entre les compétences que les jeunes comptables retirent de leur formation et celles qui sont réellement nécessaires dans la pratique. Un aspect qui peut mener à l’inefficacité et à la frustration au sein des équipes, et une fois en contact avec les clients.
L’importance de la formation
Cette constatation nous mène face au troisième mur, qui est celui de la formation. Les compétences et les connaissances découlent, bien entendu, des études. Bon nombre de comptables fraichement diplômés semblent manquer des connaissances de base. Cela est certainement dû — au moins en partie — au manque d’exposition à la pratique tout au long de leur parcours scolaire. Compétences non techniques et sociales, réflexion stratégique, capacités d’analyse, sans oublier certaines connaissances techniques… Tous des aspects essentiels auxquels leurs études ne les confrontent pas suffisamment. Il est donc essentiel de multiplier les stages et les expériences pratiques pour préparer les étudiants au marché du travail.
En résumé, la pénurie de profils en comptabilité s’explique donc de plus d’une manière. Sur le papier, la solution au problème semble assez simple — à condition toutefois que chacun prenne conscience qu’il est grand temps d’agir. Ces grands changements nécessitent des efforts importants de la part des cabinets comptables et de leurs clients, des institutions de formation, ainsi que des étudiants et candidats.
Il est également grand temps d’aider les employeurs à prendre conscience qu’ils ne doivent pas à tout prix chercher la perle rare. Ils doivent apprendre à se satisfaire d’un candidat qui correspond à leurs attentes et qui se dit prêt à apprendre. En nous serrant les coudes, nous parviendrons à préparer la nouvelle génération de comptables à leur rôle de partenaires et de conseillers stratégiques. Si rien de tout cela n’est mis en place, la pénurie de comptables pourrait toujours être d’actualité l’année prochaine…
Joël Poilvache, Regional Managing Director chez Robert Half